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LE BARON DE VASTEY, de Laurent Quevilly [1]

02/07/2016

Je ne sais par quel bout commencer cette fiche de lecture sur « le baron de Vastey » de Laurent Quevilly, tant ce livre est riche, documenté et les faits complexes.

Parlons d’abord de l’auteur. : Laurent Quevilly est journaliste. Après avoir été salarié dans le secteur de la Santé, et élu CGT.  Il deviendra journaliste mais exercera toujours un mandat CGT  dans ces deux fonctions. Né à Jumièges en Seine-Maritime, il se plonge dans la vie de cette famille de Vastey, elle aussi de Jumièges. 

 Revenons au livre. Il n’est pas courant pour notre Institut Cgt d’Histoire Sociale de Seine-Maritime de se pencher sur la vie d’un noble, fut-il de souche normande et paysanne, puisque Jean – Valentin Vastey est un jeune paysan normand de Jumièges, qui en 1768, ira chercher fortune à Saint –Domingue, alors colonie du royaume de France.

 En toile de fond de cette saga familiale, nous rencontrons l’esclavage qui a lieu à partir du triste commerce triangulaire, au départ du Havre. 

Profitant pleinement du système esclavagiste, Jean –Valentin Vastey, fait fortune jusqu’à ce que la révolution de 1789 éclate. Attaché par le mariage à la famille Dumas, dont un des parents deviendra plus tard l’auteur des « Trois mousquetaires », les Vastey vont connaitre alors des fortunes diverses. La population de la colonie française est alors composée de 40 000 blancs : grands planteurs, propriétaires modestes aux opinions plus modérées- dont fait partie J.V. Vastey- artisans et ouvriers besogneux, d’autant de gens de couleur (mulâtres et noirs affranchis) et de 500 000 esclaves (p 151 et 152).

Cette période mouvementée en France est plus que particulière à Saint Domingue. Après un grand espoir, les noirs et mulâtres sont exclus de l’adage « libres et égaux en droit ». Alors que le 28 mars 1790, Paris promulgue un décret sur l’organisation des colonies, le 15 avril 1790, le gratin des planteurs fonde à Saint Marc une « assemblée coloniale ». Elle est dominée par le courant autonomiste dit «  des pompons rouges », par opposition aux pompons blancs, fonctionnaires fidèles à la France (p 154). Ce qui devait arriver, arriva. Les clans montèrent des armées qui s’affronteront dans des combats sanglants causant des milliers de morts. Il faudra trois décrets les 8 et 28 mars 1790 qui ne furent pas appliqués, celui du 15 mai 1791 et celui des 28 mars et 4 avril 1792, pour permettre de conférer l’égalité civique aux affranchis. C’est à ce moment que les héros de cette saga, mèneront la bataille de la  liberté avec l’aide de Toussaint Bréda, dit Toussaint Louverture. La république sera installée, pour peu de temps.

Pour autant, le livre ne quitte pas la Normandie puisque l’auteur nous conte ce que la révolution et notamment « la terreur » amène dans le pays de Caux, de Cany à Saint Valery, de Bacqueville à Rouen.

Le livre, de retour à Saint Domingue, après l’abolition de l’esclavage, nous conte comment  Toussaint Louverture, à la tête d’une troupe de 4000 hommes, épaulé par Christophe et Dessalines, désormais aux côtés des français,  combat alors les Anglais et les Espagnols.  A 15 ans « Cadet », le futur Baron, s’engage aux côtés de Toussaint Louverture.

Écrasé par le corps expéditionnaire napoléonien de quelques 22 000 hommes en 1802, et après de nombreux événements plus dramatiques les uns que les autres, les insurrections et les scènes d’horreur aussi.  Jean Louis Vastey, en aout 1803 est aux côtés de son père et combat les noirs. En avril 1804 on massacre des blancs et lui rejoint le gouvernement de Dessalines et jouera un rôle de premier plan dans la création d’Haïti. Le livre nous conte à partir de là, ce que sera la vie du Baron de  Vastey et sa fin tragique. Ce personnage, inconnu du plus grand nombre, très paradoxal, et pour autant attachant dans ces combats, est mis en valeur ainsi que sa famille dans ce livre très documenté de Laurent Quevilly.

Pour les néophytes que nous sommes, on aurait pourtant aimé une carte de l’Ile et la découverte de l’arbre généalogique des Vastey.

Cela dit, ce travail remarquable mérite d’être connu, et pas seulement par les  spécialistes  de l’histoire des colonies. C’est une bonne vulgarisation des souffrances qu’ont eu à connaitre les peuples d’Haïti au 18et 19 ème siècle. Cette toute première biographie du baron de Vastey, est  un livre à lire par et pour les amoureux de la liberté.

Jacques Defortescu


[1] Le Baron de Vastey, de Laurent Quevilly. Édition BoD -20,90 € -avril 2014 – 340 pages.

PS Qu'il me soit permis de corriger une petite erreur. Si j'ai bien été durant plusieurs années secrétaire général de la CGT du centre hospitalier spécialisé de Quimper, je n'ai pas exercé de mandat syndical dans le secteur de la presse, j'ai simplement représenté la CGT aux élections professionnelles du quotidien Ouest-France où je devais alors être le seul journaliste de la maison encarté sous ces couleurs. Enfin, je ne suis pas né à Jumièges, mais à Caudebec-en-Caux. Qui, je m'empresse de le préciser, est aussi une bien jolie bourgade des bords de Seine...
Je pourrais ici brosser un parallèle entre le système asilaire et le système colonial, raconter quel fut notre combat pour sortir enfin l'hôpital Gourmelen du XIXe siècle, là où étaient internés ceux que l'on nommait alors les aliénés. Mais c'est une autre histoire...


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